2. Le duc Léopold Ier de Lorraine (XVIIème et XVIIIème siècle)

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Le duc Léopold Ier de Lorraine (XVIIème et XVIIIème siècle)

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Léopold Ier, duc héréditaire des duchés de Lorraine et de Bar

Nous sommes en 1698. Léopold Ier succède à l’âge de 19 ans à son père, Charles V, lui aussi duc héréditaire de Lorraine et de Bar. De ses liens de parentés, Léopold est aussi l’aîné des enfants d’Éléonore d’Autriche, reine douairière de Pologne, devenue duchesse de Lorraine et de Bar par son mariage avec Charles V.

Veuve en 1690, et régente en titre des duchés de Lorraine et de Bar, elle se bat pour le recouvrement de l’indépendance de ses états, alors convoités et occupés par Louis XIV. Rappelons qu’à cette date, ce duché est un état souverain et fait encore partie du Saint-Empire romain germanique.

(Éleonora Wiśniowiecka – Atelier Daniel Schultz (1616-1683),
peintre polonais, 1670 – source Wikipédia)

En 1698, après avoir reçu une éducation exemplaire à Innsbruck, le jeune Léopold arrive à Nancy et épouse Élisabeth-Charlotte d’Orléans, dite Mademoiselle de Chartres (qui deviendra grand-mère de la fameuse Marie-Antoinette et l’ancêtre de tous les Habsbourg-Lorraine). Elle est la nièce du Roi de France, fille de Philippe, duc d’Orléans, et d’Élisabeth-Charlotte de Bavière. Ce début de XVIIIème siècle est ravagé par la guerre de Trente Ans et tout est à reconstruire (en l’an 1644 il ne reste plus que trois habitants à Sarralbe). Le duché de Lorraine est alors un pays essentiellement rural.

Nous sommes en plein règne de Louis XIV qui a installé ses troupes sur le territoire lorrain. Léopold Ier est devenu son neveu par alliance.

De son arrivée dans la ville de Nancy, l’histoire a retenu que « Léopold s’avança par la rue St-Dizier vers la collégiale de St-Georges, à la vieille ville, suivi par de nombreux cortèges, où figuraient notamment huit cent chevaux et beaucoup de chameaux, pris par les Lorrains sur les Turcs. Les chevaux Transylvains furent placés au Haras de Sarralbe ou distribués aux laboureurs ; et ils créèrent dans nos contrées cette race, dédaignée à tort, cette petite race infatigable, qui résista seule en 1812 dans la retraite de Russie, où elle traînait encore du canon lorsque toutes les autres avaient péri. »

(L’auteur de cette citation est P.G. Dumas dans « Nancy, Histoire et Tableau » Paris 1847, Saignier et Bray, libraires. L’auteur tiendrait cette particularité de la bouche même du général Tirlet… mais ne dit pas ce que sont devenus les chameaux).  

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La création des haras nationaux

C’est dans ce contexte que Jean-Baptiste Colbert, un des principaux ministres de Louis XIV, crée une des plus anciennes administrations françaises : les Haras nationaux, l’élevage équestre étant un enjeu important en raison, entre autres, de ses répercussions militaires.

Précisons que les guerres incessantes de Louis XIV créent des besoins urgents pour la remonte de la cavalerie royale. Rien que pour l’année 1712, il faut acheter pour cent millions de livres de chevaux à l’étranger.

La motivation de l’importante réglementation de Colbert est effectivement d’augmenter les forces du roi en cavalerie avec moins de dépenses, de développer la culture des terres et des pâturages afin de régénérer le commerce, mais aussi d’assurer la commodité pour les particuliers de faire saillir leurs juments.

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Léopold Ier s’avance dans la construction d’un nouveau domaine

Affairé à divers travaux de reconstruction, dont le château de Lunéville, et de repeuplement facilité par un encouragement de l’immigration, c’est dans ce contexte historique que Léopold Ier crée le Haras de Sarralbe. Incité par le Roi de France, il est aussi en mesure de fournir la cavalerie.

(Contre-moule et médaillon Léopold Ier –
Haras de Sarralbe – musée de Sarralbe –
don famille Loth)

Il reste dans les archives de Nancy deux ordonnances du duc nommant un maître du Haras et un intendant principal devant prêter serment au vicomte marquis de Beauveau et de Craon.

Possédant déjà un petit Haras à Willerwald, il opte pour une belle plaine sur la rive gauche de la Sarre, à une demi-lieue au-dessus de Sarralbe. Il achète les premières terres en 1700. On le constate également via les archives de Nancy qui compilent des dépenses en faisant état des remboursements réalisés par le Conseil des finances au prévôt de Sarralbe, pour le logement et l’entretien du Haras. On retrouve également des remboursements de dépenses faites pour le compte du Haras en 1702 et 1703, par le prévôt Seholtzer. Les premiers bâtiments sont construits en 1702, et un premier directeur, Monsieur de Jony, est nommé en 1705.

L’entretien est financé par un dixième des revenus du domaine de Fénétrange, puis plus tard, des domaines de Bouquenom (actuellement Sarre-Union) et Insming.

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Le grand Haras de Sarralbe est construit

Vers 1720, le Haras est devenu un ensemble de bâtiments composé de plusieurs ailes très élevées avec de grandes cours qui les séparent. Les terres qui font partie du domaine sont constituées de 600 hectares de la commune de Sarralbe, et 600 hectares appartenant à des communes voisines. Il s’agit d’un domaine agréable où l’on y voit l’étendue immense d’une des plus belles prairies de Lorraine, dit-on, le duc et ceux de sa maison s’y rendent souvent. Néanmoins, les difficultés avec les habitants de la région, la ville de Sarralbe et les villages alentours n’ont pas de cesse. Les acquisitions de terrains sont souvent faites, soit par voie d’échanges soit par l’abornement de parcelles en déshérence en raison des ravages de la guerre et de la disparition des habitants.

(Tableau en bois sculpté des armoiries de Léopold Ier,
duc de Lorraine –
Haras de Sarralbe – musée de Sarralbe –
don famille Loth)

En 1720, Léopold Ier nomme Maître du Haras le sieur François Schwanauer. Ce dernier a été auparavant Maître du Haras chez son propre frère, Charles de Lorraine, Archevêque de Trèves. C’est la raison pour laquelle il est pressenti, l’acte de nomination faisant expressément référence à ses compétences et à la nécessité d’une grande expérience pour diriger un établissement d’une telle importance. Les gages de ce gouverneur sont fixés à 1200 livres annuelles ce qui est une somme conséquente. À partir de cette époque, le Haras compte une centaine de juments, des étalons, et produit environ une cinquantaine de poulains par an. François-Antoine Schwanauer est l’homme clé du domaine. Il est reconduit plusieurs fois dans ses fonctions. Grâce à ses correspondances, on peut constater qu’il a de la personnalité. Bien que tenant des propos directs, il est très respectueux de ses supérieurs et passionné de chevaux. 

En 1722, la construction des bâtiments est terminée et le sieur Guichenon, commissaire envoyé par Léopold Ier, vient visiter le site. Au terme d’un procès-verbal dressé par le commissaire, il est considéré que pour subvenir à l’entretien du dit Haras, il est nécessaire d’y joindre les terres en déshérence ou héritages en blanc de Bouquenom (Sarre-Union), Sarrewerden et Insming, la seigneurie de Willerwad et Schottenhoff, les métairies d’Eich et les dixmes de Sarralbe. Le projet est accepté et mis en exécution par le Conseil d’État, ce qui engendre de nouvelles difficultés avec les habitants, au grand dam du sieur Schwanauer.

(Vitrail d’une des pièces principales du Haras de Sarralbe –
photo réalisée en 2019)

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Un vaste domaine et des pâtures

L’ensemble du domaine comprend : le grand Haras de Sarralbe, le petit Haras de Willerwarld, au lieu d’une ancienne tuilerie, un puits salé à Saltzbronn, l’étang et le moulin de la Niederau sur la Sarre, le moulin banal de Sarralbe, le moulin de la Hinsmuhl, la ferme du Tencherhof et la ferme du Schottenhof. Le domaine se compose de 14 pâtures de tailles et de qualités différentes.

Un document établi au Haras en 1734 décrit ces pâtures que nous allons simplement citer ici : celle dite du Rotfeld, celle appelée « derrière le Haras’’, près de Rech, le Feywald, une quatrième pâture devant le Haras entre le jardin potager, la prairie de la Honau et le chemin qui va du Haras à Sarralbe, la Shouspoule, la Schantzbruel, la grande prairie de la Honau, une pâture près de l’Albe et du moulin domanial, celle d’Eich, celle dite de la Niederau sur le ban de Willerwald (où plusieurs pâtures servent à l’entretien des pouliches), la Knoplochwies, la grosse mouse, la Müller Wiese, et enfin la Limbach à Hambach.

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Des travaux pour les habitants de Sarralbe et des environs

Dans l’organisation des techniques d’aménagement des pâtures, les habitants des cantons font des travaux de défrichement pour le Haras, en contrepartie de quoi ils ont le droit de labourer les terrains et de les ensemencer pendant trois ou quatre ans, afin de les rétrocéder au Haras et qu’ils soient transformés en pâtures. Les acquisitions foncières sont à ce stade un enjeu important dans le développement du domaine. Des actes d’échanges sont concrétisés entre Léopold Ier et le prévôt Seholtzer, qui reçoit en contrepartie des terres du duc de Lorraine à Volmunster et Ormersviller dont il fait ses seigneuries.

Léopold Ier, duc de Lorraine et de Bar, décède en 1729 à Lunéville. De ses 14 enfants, François-Étienne, né en 1708 à Nancy, prend la succession de son père en tant que duc de Lorraine et de Bar de 1729 à 1737, sous le nom de François III.

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Histoire de la chapelle du Haras

En 1718, le directeur du Haras, Étienne Wolf, demande l’autorisation à l’Évêque de Metz d’ériger une chapelle au Haras avec un presbytère et un cimetière attenant. Il l’obtient en 1721 sous certaines conditions. En attendant, le sieur Wolf fait aménager deux pièces du château, l’une pour la chapelle, l’autre pour la sacristie. Le père Bernard de la Roche, jésuite de Bouquenom et curé de Keskastel, y célèbre la messe chaque dimanche. Un représentant de l’Évêque visite la chapelle le 5 septembre 1725 et la trouve conforme. Celle-ci est dédiée à Notre-Dame de l’Annonciation ; un tableau représentant l’Annonciation y est accroché.

En 1736, comme vous pourrez le lire via l’article concernant le départ des chevaux, le chapelain quitte le Haras. Il y a donc à cette époque un prêtre attitré pour desservir la chapelle. En 1757, Jean-Baptiste Elie, quatrième directeur du Haras, y épouse Madeleine Maisonselle. Leur premier enfant, Maximilien, y est baptisé. En 1770, sous le directeur Jacques, la chapelle est transférée au deuxième étage dans une pièce beaucoup plus grande et bénite. La fille du directeur, Elise Jacques, s’y marie le 13 janvier 1778 avec Nicolas Mathis, officier d’un régiment de Hussards.

(Image principale de l’article > Portrait en pied de Léopold Ier duc de Lorraine,
par Nicolas Dupuy – 1650-1711 – vers 1703,
musée des beaux-arts de Nancy – source Wikipédia)

  • Sources :
  • Archives famille Loth
  • « Le Haras de Sarralbe au XVIIIe siècle et l’histoire des salines » (Eugène Heiser)
  • Revue n° 30 (1999) de la société d’histoire « Les Amis du Pays d’Albe »
  • « Geschichtliche Erinnerungen aus der Pfarrei Rech » tome 1 – pages 26 et 27 (François Goldschmitt)
  • Documents du chanoine Morhain – AD 57 18/184
  • sarralbe.fr
  • nobilivre.com
  • Wikipédia

2 réflexions sur “2. Le duc Léopold Ier de Lorraine (XVIIème et XVIIIème siècle)

  1. Bonjour,
    J’ai découvert moi-même cette citation de P.G. Dumas dans « Nancy, Histoire et Tableau » à propos des chevaux ramenés de Vienne et confiés pour partie au Harras de Sarralbe, dans le cadre de l’histoire de la Porte des Chameaux à Nancy. Sait-on comment s’est appelée cette race qui s’est si bien comportée à la retraite de Russie et cette race existe-t-elle encore?

    Merci d’avance pour votre réponse
    Etienne LUX, Nancyphile

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